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le troubadour
23 janvier 2015

Des gens biens

 

La confesse

 

 

Gaston un vieux berger connaît la Gertrude depuis au moins …. ha oui au moins ça, voire même un peu plus.

 

Il se rend bien compte que le temps passe et que la retraite au retour des alpages va être ben triste tout d'même. Y va y causer à la Gertrude c'est décidé, voilà maintenant plus de cinquante cinq ans qu'il ne vit qu'avec ses moutons, ses chiens, ses ânes et ses chèvres. Ça fait du monde mais guère de causeries. L'avenir avec la Gertrude qu'est veuve depuis dix ans ça lui plairait assez au Gaston, là elle saura bien lui apprendre tout ce qu'il n'a jamais connu de la vie. Bien décidé il sort son carnet et s'applique pendant trois jours pour lui écrire ces six lignes si porteuses d'espoir.....

 

Là ça y est c'est posté, il n'a plus qu'à attendre, ho ! Il y a mis beaucoup d'amour dans ces six lignes : La Gertrude, écoute, je te sais toute seule et moi aussi à cette heure je le suis aussi. Puisqu'il me faut quitter mes bêtes en septembre, alors vu que l'on se connaît bien j'aimerais bien avec toi finir mon chemin. Même si je dois te marier je suis d'accord, enfin si toi aussi tu veux de moi. Je te fais de grosses bises Gaston qui pense à toi.

 

Deux semaines plus tard la Gertrude lui avait répondu. Il mit trois jours à se décider à la lire cette réponse, car il voyait bien que depuis ses onze ans le monde avait bien changé mais lui à part ses bêtes qu'est-ce qu'il en avait vu ??? Il doutait de pouvoir vivre autre chose, déjà toutes ces voitures et ces gens qui ne lui répondaient pas quand au passage il les saluait, ce monde allait trop vite maintenant. La Gertrude, elle, elle connaissait et c'était sûrement une lettre de refus qu'il serrait sur sa poitrine cent fois par jour sans oser l'ouvrir. Enfin après le casse croûte et un bon canon il l'ouvrit enfin cette lettre qui allait changer toute sa vie. Elle lui avait juste dit je t'attendrai et nous nous marierons dès ton retour, moi aussi cela fait longtemps que je pense à toi, nous serons heureux va ne t'en fais pas. Je t'embrasse. PS : Je te prends rendez-vous avec le curé qui va tout t'expliquer pour nous marier.

 

À cette lecture le Gaston se mit à pleurer de bonheur et d'émotion, la Gertrude l'aimait elle aussi. Il remercia le bon dieu. Les moutons, les ânes aussi furent bichonnés, et le Gaston connaissait soudain le bonheur d'une promesse d'une fin heureuse, son amie d'enfance allait l'aider à boucler la boucle d'une si longue solitude. Cinquante cinq ans dans sa moutonne, cela serait derrière et il en avait mis des sous de coté, son patron l'avait toujours bien payé (enfin c'est ce qu'il lui disait quand il le voyait). Mais là le Gaston est heureux et rien de mauvais ne peut lui arriver, il est si bien que la descente est d'une facilitée incroyable, elles sont loin ses fièvres de Maltes, sa jambe cassée jamais soignée correctement, il descend la dernière fois de sa montagne. Son troupeau semble partager son bonheur et tout se passe à merveille. À son arrivée à la moutonne, son remplaçant, un jeune qui a fait des écoles pour être technicien supérieur, va le remplacer. Il en rit dans sa barbe, le Gaston, lui qui est arrivé à onze ans pour faire ce que ce diplômé va devoir faire, cela le laisse rêveur. Faire des études pour soigner des moutons, hé oui le monde a bien changé mais il s'en fout le Gaston car il va voir le curé. Lui au moins son bon dieu c'est toujours le même et ça Gaston il le sait.

 

Il enfile sa plus belle tenue et le voilà parti pour le village, et c'est des grands bonjour à tous ceux qu'il croise, peu importe qu'ils ne le connaissent pas, il est heureux et cela en sera ainsi tous les jours à venir. La rencontre avec le curé, quelle belle promesse d'avenir avec sa Gertrude. Le curé le voyant arriver l'invite à entrer dans l'église et lui parle de la cérémonie qui sera simple mais bien assez pour le Gaston et sa Gertrude. Puis il le fait entrer au confessionnal.

 

Alors Gaston si tu me parlais de tes péchés mon fils. Là-dessus le Gaston lui répond, mais monsieur le curé, vous savez bien que je n'ai pas de pêchers, l'été je suis dans la montagne, j'ai quelques amandiers et quelques noyers, c'est tout. Qui vous a raconté que j'avais des pêchers ? Celui-là c'est un menteur. Le curé lui dit allons, ce n'est rien Gaston, te voilà confessé. Va, maries-toi et soyez heureux. Le Gaston s'en alla ensuite chez son patron heureux de se marier bientôt et peu lui importait qu'un menteur ait parlé au curé.

 

Arrivé chez son patron, les papiers pour sa retraite étaient prêts même si le patron semblait quelque peu inquiet. Le Gaston ne remarqua pas que ce qu'il y avait sur les papiers était loin de ce qu'il avait reçu comme salaire mais le patron avait toujours été si gentil, et sa fille lui avait fait tous ses papiers. Il allait être marié et retraité en même temps ou presque, et le voici sur la route pour aller retrouver enfin sa Gertrude. Les huit kilomètres pour rejoindre le village seront vite avalés et aujourd'hui il ne sent pas la fatigue, il est sur une autre planète, la Gertrude va devoir lui en apprendre des choses, il sait qu'il ne va pas s'ennuyer. Il est bien et le voilà deux heures plus tard entrant dans le village. Il rit mais les gens qui le croisent rient aussi, il se dit que son bonheur tout le monde doit le partager et il rit de bon cœur et le voilà au cœur du village un petit verre au bistrot pour avoir le courage d'aller dire je t'aime à sa Gertrude.

 

La porte à peine ouverte que dans le bar le peuple qui était là lui dit « Alors Gaston tu nous en parles de tes pêchers ou de tes amandiers si tu veux ». Là-dessus Gertrude entre dans le bar et lui annonce qu'elle ne veut plus le voir, qu'elle aurait bien dû remarquer quel idiot il était et que le curé faisait bien rire tout le monde en la nommant, jamais elle n'avait été aussi humiliée.

 

Gaston ne dit rien, il sortit et partit vers ce petit cabanon qu'il s'était acheté des années plus tôt. Trois mois plus tard des promeneurs le trouvèrent là, dans son beau costume déjà en décomposition.

 

Voilà la récompense de cinquante cinq ans de labeur, c'est le curé qui l'a confessé qui l'emmena seul au cimetière.

 

 

 

 

Un enfant à naître

 

 

 

C'est en décembre, il y a si longtemps, trop pour que je veuille en garder le souvenir. Dans une étable, tard dans l'après midi, on ne parle pas de Noël ni de l'enfant Jésus, encore moins de ce gros barbu sorti du « Bon marché » ou d'un autre magasin. Celui là on n'en parle pas car on n'en a pas les moyens.

 

Un carré de chocolat noir et cela sera bien, tout ce que la fratrie appréciera au pied de la cheminée sous la crèche dessinée par le grand de la maison. Dessin fait aux bons crayons de couleurs Bayard et sur une feuille de papier Canson s'il vous plaît, le talent méritait cet effort. C'est bien tout le luxe possible pour une famille de vachers avec douze bouches à nourrir. Hé oui cela sera un jour comme tant d'autres les vaches ne feront pas grève le vingt cinq. Donc Noël sera on le pense une journée ordinaire, pourquoi en parler ? La seule différence c'est qu'il reste l'enfant à naître qui sera une bouche à nourrir de plus mais bon, avec ce froid et l'occupant ricain qui est venu remplacer le boche la vie de la ferme n'est pas ce que l'on peut rêver de mieux.

 

Si ils avaient écouté les histoires du curé ils auraient su que naître en décembre dans une étable c'est la galère assurée, tu finis crucifié dans le meilleur des cas. Pourtant ils l'ont fait juste une semaine avant Noël, pendant la traite du soir avec leurs bons amis, vachers eux aussi. Ils ont commencé à traire tôt pour le passage du laitier et la mère inconsciente perdit les eaux et posa son paquet là, dans l'étable près des petits veaux sous le radiant. C'est comme cela que l'enfant à naître en cette année cinquante sept peut vous saluer et vous dire que : naître dans une étable en décembre, je vous le garantis, les emmerdes ne font que commencer mais je vous salue bien quand même.

 

PS : SVP ne me dites pas bon anniversaire un bonjour sera suffisant.

 

 

 

 

 

Le père Chouard

 

Le père Chouard était un héros particulièrement décoré de seize médailles de la guerre 14/18, mais qui l'aurait cru à le voir ? En effet c'était le perchoir comme disaient les gens du village. Rares étaient ceux qui lui accordaient un minimum de respect, quelquefois un môme qui l'aimait bien lui faisait cuire quatre ou cinq œufs au plat qu'il lui mettait dans le bon pain de Jean son copain boulanger.

 

Ha le père Chouard il l'aimait bien ce môme qui lui achetait au moins trois balais de boule par an, car il faut bien vous dire que ce vieil homme qui ne causait guère, refusait toute aumône qui lui était proposée. Avec ce môme ce casse croûte il l'acceptait volontiers, car ce môme ne le jugeait pas, ne lui parlait que si il était d'accord. Ce statut de clochard aucun des deux ne le voyait, le vieux se l'était choisi, le môme son amitié avec lui il l'avait choisie aussi. Aucun des deux ne jugeait qui que ce soit, mais les rares moments de confidences de l'un ou de l'autre étaient toujours riches de secrets.

Ce que le môme finit par découvrir allait changer sa vision sur son ami et sur les gens de son village à jamais.

 

En effet un jour entre deux vins, les mains en sang à cause du pelage de bouleau puis du liage de ses balais au fil de fer récupérés dans les fermes du coin qui l'utilisaient sur des presses équipées pour faire des bottes solides. Ce jour là le vieux était ailleurs, c'était le quatorze mai soixante dix, quand les larmes envahissaient complètement son visage il se confia au môme de treize ans : il y a 26 ans aujourd'hui, dit il. 26 ans qu'il y a eu quoi ? demanda le gamin. Qu'elles sont mortes, lui répondit-il. Que les boches les ont tuées, ma femme et ma fille et je ne te dis pas ce qu'ils leur ont fait avant pour qu'elles me dénoncent. Je menais le groupe de résistants ici et on m'a dénoncé. Là-dessus il donna une liste au gamin qui fut surpris de voir une si belle écriture, il n'y avait que des gens du village sur cette liste, certains même que le môme aimait bien, mais le père Chouard avait tenu toutes ces années ces recherches au propre et il continua par dire au môme : cache bien tout cela car ils vont m'avoir. Le môme s'exécuta et se dit qu'il en parlerait à son meilleur ami, que le père Chouard broyait du noir et qu'il fallait l'aider. Il aida le père Chouard à rejoindre sa couche pour la nuit. Ensuite il fila voir son ami fidèle et lui raconta tout sauf qu'il avait les notes de son autre ami. Son vieil ami le forgeron lui dit écoute, demain je le conduirai en lieu sûr, s'il a dit vrai tu es toi aussi en danger, évite de le voir. Ce sont vraiment des pourris dont il t'a parlé.

 

Mais au matin le père Chouard fut retrouvé mort, brûlé à l'acide sur une clôture de barbelés. Le soir après que le môme l'eut laissé il avait rendu une visite à un paysan du village, et des jeunes l'auraient aspergé pour rigoler. Ils étaient mineurs et ne firent que trois heures de garde à vue, le môme n'oubliera jamais son ami mais ces jeunes eux s'en souviennent ils, de ce héros de 14/18 ?

 

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Commentaires
le troubadour
  • Mon enfance, ce sont mes souliers mouillés et percés portant mon tronc cassé par les coups et le travail de la terre. Mon enfance, ce sont mes amis tombés dans la lutte, mais juste décorés par mes larmes. Mon enfance c'est la découverte de ce monde cruel
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