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le troubadour
23 janvier 2015

À Sylvie

 

 

Cette fille , une charmante petite fille que j'ai connu le jour ou son père m'a sauvé d'une mort certaine.

 

Je roulais rentrant du travail en moto à l'époque j'étais parti le matin il faisait bon c’était en janvier mais dans la journée cela c'était bien refroidi et le soir après le boulot la neige commençait à tomber. Plusieurs collègues m'avaient proposé soit de m'héberger soit de me reconduire en voiture. J'avais refusé leur disant que les neuf kilomètres seraient vite fait et que demain je viendrai en voiture, car si la neige devait perdurer, autant remiser la Honda 250 un moment. Je roulais sans casque il n'était pas encore obligatoire, je n'avais pas fait trois kilomètres que la neige avait redoublé et je ne voyais pas à trente mètres. Dans mon rétro je vis arriver la voiture derrière une 404. Elle roulait trop vite avec ce temps et au passage m'envoya dans le décor et continua sa route (merci madame Varoqueau même s'il m'a fallu deux ans pour savoir que c'était vous) ma tête avait cogné une petite borne hectométrique et j'étais dans les vapes.

 

Quand je repris connaissance la neige m'avait complètement enseveli et j'étais incapable de bouger ne serait ce qu'un doigt. Je me suis dit cette fois là que l'heure de ma fin était proche et le temps me semblait très long sur cette petite route où en temps ordinaire il ne passait pas grand monde. Avec ce temps on retrouverait mon cadavre dans quelques semaines quand la neige aurait fondu. C'était sans compter sur le passage d'un couple avec une 4L des gens très simples très gentils en plus, que je connaissais un peu. J'entendais leurs appels mais j'étais incapable de leur répondre. Quand j'entendis la femme dire il a dû être emmené par quelqu'un, je fis un effort surhumain et j'arrivais à hurler (enfin à émettre un cri) et je m'évanouis aussitôt.

 

Je me réveillais chez eux, mon brave toubib était penché sur moi une fois de plus et me dit ce n'est pas encore passé loin. Quand vas tu me faire déplacer en ayant une grippe ou une angine comme tout le monde ? Il me dit bon tu es entre de bonnes mains et je reste pour que les gendarmes t'entendent, les 404 étaient nombreuses dans le secteur et nombreuses étaient celles qui avaient des bosses avec ce temps. Les gendarmes me dirent avoir prévenu mon employeur et que ma bécane était chez eux (merci Alain et Louis mes pandores adorés)

 

C'est là qu'une gamine mignonne vient me porter un bol de soupe que mon toubib me dit de boire doucement, elle me dit maman pleure elle a eu très peur tu sais. Et papa t'aime beaucoup il dit que tu restes ici le temps de guérir. Je vais m'occuper de toi si tu veux bien. C'était Sylvie, déjà adorable et quand elle me dit cela les larmes me vinrent aux yeux et j'eus bien du mal à lui dire merci ma puce. J'étais remonté à sept de tension et ma température était remontée à trente six cinq, le toubib me dit tu es sorti d'affaire mais ne compte pas aller bien avant plusieurs jours.

 

Après son départ son père est venu me voir, je ne savais comment le remercier, il me dit juste reprends des forces et sois heureux c'est ce que nous voulons tous ici. La petite tint à rester près de moi les deux jours qui suivirent et chaque fois que j'ouvrais un œil elle était là, endormie dans le fauteuil de la chambre. Dès que je me levais pour aller aux toilettes, à mon retour elle me bordait avant de retourner dans le fauteuil. Son père me rasait et ne voulait pas que je me vois dans une glace pendant les trois premiers jours car la neige m'avait brûlé le visage et les mains heureusement protégées par les gants, avaient connu elles aussi des brûlures certes légères. Ma tête avait une fois de plus reçu des points, quatre de mémoire, j'appris que j'étais resté quatre heures dans ce fossé et que s'ils étaient passé une demi-heure plus tard c'est un cadavre qu'ils auraient trouvé.

 

Avec Sylvie nous sommes devenus des amis, bien des années plus tard c'était toujours un bonheur quand je venais chez eux. Elle entra rapidement dans nos réseaux, venir en aide aux autres était pour elle naturel. Elle fut très active prenant souvent autant de risques que moi, parfois plus. Comme moi elle connut rapidement des déserts affectifs car on ne pouvait pas avoir de vie ordinaire avec les horreurs que nous combattions au quotidien. Après le décès de ma fille Gaëlle j'ai levé le pied et je pensais que tout mon groupe avait fait de même. Mais j'étais dans l'erreur. Ma Sylvie, ma petite sœur de cœur, elle, n'avait pas jeté l'éponge. Et en cadeau de Noël cette année, allez savoir pourquoi on fait certaine chose ? J'appelais pour prendre de ses nouvelles, c'est son frère qui décrocha.

 

Il me dit mon pauvre David elle est décédée, elle s'est aspergée d'essence et s'est embrasée devant son fils et son compagnon, elle venait de servir la soupe et le repas qu'elle avait préparé pour les SDF comme toujours, son compagnon s'est tiré un coup de fusil dans la tête et j'ai son fils avec moi.

 

Je ne lui ai jamais dit combien elle comptait pour moi et comment je l'admirais. Après ce drame de 1990 j'avais pris du recul avec nos luttes. La perte de mes huit amis avec ma fille m'avait coupé du monde. Mais Sylvie je ne saurais jamais comment te dire à quel point tu comptais et combien tu vas me manquer. N'oubliez jamais de dire je t'aime à ceux qui vous sont chers car quand il sont partis c'est trop tard. 

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le troubadour
  • Mon enfance, ce sont mes souliers mouillés et percés portant mon tronc cassé par les coups et le travail de la terre. Mon enfance, ce sont mes amis tombés dans la lutte, mais juste décorés par mes larmes. Mon enfance c'est la découverte de ce monde cruel
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